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A calm sea has never made a good sailor

[English version below]


Une mer calme n’a jamais fait un bon marin.


Notre centre : un voilier dans la tempête. Les événements se succèdent comme des vagues que nous prenons de plein fouet sans pouvoir reprendre notre souffle. Sarah est partie mais Fanette est de retour après dix jours confinée dans un hôtel. Fièvre, vertiges, maux de tête : elle pensait que c’était le coronavirus, je pensais que c’était le coronavirus, vous pensiez que c’est le coronavirus, ce n’était pas le coronavirus. Notre bateau est donc pris d’assaut par la houle. Chaque vague est une préoccupation, une secousse à envisager. Elles ne sont pas toutes aussi menaçantes mais elles arrivent de tous les côtés. Bateau ? Tempête ? Vent et marée ? Romain, as-tu perdu la tête ? Décortiquons un peu cette métaphore douteuse.

Océan Pacifique (Août 2017) - © Romain Mailliu


Ces vagues, ce sont les problèmes - disons challenges - des jeunes qui évoluent avec le coronavirus. A ce stade, ce sont généralement des challenges économiques : Le père de Taufiq a perdu son travail, il est le seul à pouvoir ramener de l’argent pour nourrir sa famille ; Les parents de Fikri sont rentrés “au village” pour fuir le virus, il est maintenant à la rue. Ces défis s’ajoutent à notre travail quotidien : Toy ne peut plus venir au centre car il doit aider sa grand mère à ramasser des bouteilles en plastiques pour les revendre ; Fami va donner naissance dans 4 jours et n’a pas assez d’argent pour accoucher à l'hôpital. Vous l’avez compris, ça fait beaucoup de “Challenges”.


Dans cet ouragan, l’adversaire le plus dangereux se trouve parfois sous la mer. En effet, un courant puissant nous fait dériver et rend le cap difficile à garder. Il se réveille particulièrement le soir, quand la nuit tombe, et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Ce courant, c’est l’information continue sur le coronavirus qui nous agresse jour et nuit. Réseaux sociaux, journaux, télévisions, mails, flyers, visiteurs : impossible de se déconnecter ou de chercher le vrai du faux. J’ai l’impression d’être spammé, assommé par des données qui me tombent dessus sans fin. Alors je garde quelques bribes d’informations, saisies ici ou là, et il m’arrive de les partager à qui veut bien les entendre. Sans le vouloir, j'imagine que je rajoute une couche à l’incompréhension générale.


Océan Pacifique (Août 2017) - © Romain Mailliu


Moussaillons, il n’y a pas de voilier sans vent, ni de tempête. Ami d’un jour, ennemi du lendemain, le vent est un personnage bipolaire. Son rôle est déterminant quand on entreprend des aventures en mer. Son souffle peut porter notre bateau vers des horizons plus prospères ou le briser puis l’envoyer nourrir les poissons. Blizzard, parfois caresse matinale, il est déroutant. Quand le mistral se lève, les voiles se gonflent et les marins chantent. Ce vent, c’est nos familles en France. Elles jouent une place décisive alors que le virus fait de plus en plus de victimes. C’est la raison qui décide un volontaire à quitter le navire pour rentrer chez lui. La famille comme l’alizé est une source d’énergie inépuisable. Il suffit parfois d’un coup de téléphone de sa part pour dompter les flots ou pour déchirer les voiles… “Vas-tu rentrer en France ? ; félicitations pour ton engagement ! ; es-tu en sécurité ? ; nous sommes fiers de toi ; tu nous manques…” Les mots de nos familles alimentent nos peurs et nos joies. Il faut savoir s’en détacher sans prendre de distance.

Le vent est l’ombre de la tempête : quand il se dresse face au soleil, il perd son hostilité.


A calm sea has never made a good sailor. March 27, 2020


Our center: a sailboat in the storm. Events follow one another like waves that we take in full force without being able to catch our breath. Sarah is gone but Fanette is back after ten days confined in a hotel. Fever, dizziness, headaches: she thought it was the coronavirus, I thought it was the coronavirus, you think it was the coronavirus, it was not the coronavirus.

So our boat is taken over by the swell. Every wave is a concern, a jolt to consider. Not all of them are equally threatening, but they come from all sides. Boat? Storm? Wind and tide? Romain, have you lost your mind? Let's take a little bit of a break from that dubious metaphor.


These waves are the problems - let's say challenges - of young people who are evolving with the coronavirus. At this stage, they are usually economic challenges: Taufiq's father has lost his job, he is the only one who can bring back money to feed his family; Fikri's parents have returned "to the village" to flee the virus, he is now on the street. These challenges are added to our daily work: Toy can no longer come to the centre because he has to help his grandmother to collect plastic bottles to sell them; Fami is going to give birth in 4 days and does not have enough money to give birth at the hospital. You get it, that's a lot of "Challenges".

In this hurricane, sometimes the most dangerous opponent is under the sea. A strong current causes us to drift and makes it difficult to stay on course. It wakes up especially in the evening, when night falls, and nothing seems to be able to stop it. This current is the continuous information about the coronavirus that attacks us day and night. Social networks, newspapers, television, e-mails, flyers, visitors: it is impossible to disconnect or to look for the true from the false. I feel like I'm being spammed, stunned by data that keeps falling on me endlessly. So I keep a few snippets of information, entered here and there, and sometimes I share its with anyone who wants to hear its. Without meaning to, I imagine that I add a layer to the general incomprehension.


Mush, there's no sailboat without wind, and no storm. Friend of one day, enemy of the next, the wind is a bipolar character. Its role is decisive when one undertakes adventures at sea. Its breath can carry our boat to more prosperous horizons or break it down and send it out to feed the fish. Blizzard is sometimes a morning caress, it's confusing. When the mistral wind rises, the sails blow up and the sailors sing. This wind is our families in France. They play a decisive role as the virus claims more and more victims. This is the reason why a volunteer decides to leave the ship to go home. The family, like the trade winds, is an inexhaustible source of energy. Sometimes it only takes a phone call from him to tame the waves or to tear the sails... "Are you going back to France? Congratulations on your commitment! Are you safe? We are proud of you; we miss you..." The words of our families fuel our fears and joys. We must know how to detach ourselves from them without distancing ourselves.

The wind is the shadow of the storm: when it rises up against the sun, it loses its hostility.






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