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Another Sunny Day

[English version below]


Romain Maillu, Coach Source of Life

Life Project Center Cilincing, Jakarta, Indonesia


Le 12 avril 2020


Kusniawaty, jeune femme du programme en management step (Avril 2020) -

© Romain Mailliu


Pas de réveil programmé ce dimanche matin. C’est peu habituel car les premières heures du jour sont pour moi les plus belles. Pas question de les manquer. Quand la ville se met en route, pas à pas. Que les visages endormis s’offrent aux premiers rayons de soleil. Seuls les oiseaux chantent, et c’est assez. La température est agréable : 22 C° et un courant d’air marin vient caresser ma peau qui frissonne de plaisir.

Mes yeux s’ouvrent naturellement à 8h30. C’est suffisamment tôt pour décréter que la journée reste exploitable. Je casse deux œufs dans une poêle. Jean-Marc, ou plutôt John – les Asiatiques n’arrivent pas à articuler et retenir son prénom administratif – frictionne nerveusement la pâte à pain faite aux premières lueurs du jour.

« Ce matin, j’ai reçu une photo d’une jeune des Philippines. Une cuillère remplie d’une eau blanchâtre. C’est l’eau salée dans laquelle elle fait cuire le riz. Il ne lui reste plus que ça pour nourrir son bébé. Elle a vingt-deux ans et trois enfants. Son aîné a sept ans… Avec le confinement, elle n’arrive pas à quitter son bidonville pour rejoindre notre centre. L’équipe de Manille est sur le coup, nous allons trouver une solution. »

La misère ne prend pas de week-ends. Des réveils comme celui-ci, John doit en connaître plusieurs fois par an. Depuis 10 ans, son ONG LP4Y a accompagné 2 662 jeunes vers le monde professionnel décent. Pourtant, aujourd’hui la situation est exceptionnelle. Les Jeunes et leur famille sont les plus affectés par les conséquences de cette crise sanitaire et économique mondiale. Et derrière ces chiffres il y a des visages, des noms, et des messages qui exhument le poids de nos responsabilités.



L’équipe de Source Of Life, notre programme de vente d’eau potable (Janvier 2020) -

© Romain Mailliu

« Être adulte, c’est être seul », disait Jean Rostand. Au contraire, je pense qu’être adulte c’est prendre conscience de l’importance des autres. L’idée n’est pas toujours séduisante. Elle a même terrifié Jean-Paul Sartre avec sa célèbre phrase : « L’enfer, c’est les autres ». Il ajoute dans son essai l’Être et le Néant : « S’il y a un Autre, quel qu’il soit, où qu’il soit, quels que soient ses rapports avec moi… J’ai un dehors, j’ai une nature ; ma chute originelle c’est l’existence de l’autre ». Conclusion : Nous prenons conscience de la triste existence qui sera la nôtre quand nous découvrons que nous ne sommes pas seuls sur terre. C’est ça, l’âge adulte. Il va falloir apprendre à vivre ensemble : quel enfer ! Quand on observe les inégalités qui sont les mêmes partout dans le monde, on devine que nous n’avons pas tous adopté les mêmes règles de jeu.

L’étudiant assidu que vous étiez en terminale – second rang : place idéale pour suivre la prestation de votre professeur de philosophie dépressif tout en évitant les postillons propulsés par l’effluve de son haleine caféine Marlboro – ajouterait que la liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres #Rousseau. Décidément, pas facile de vivre ensemble.

Pourtant, soyons honnêtes, les meilleurs moments que nous vivons sont ceux que nous partageons avec les autres. N’allez pas me dire que vous avez vécu l’extase un mercredi soir devant une série B avec votre Heineken dans la main droite et votre ordinateur portable Lenovo - PowerPoint ouvert sur la dernière slide de votre Comex du lendemain - dans la main gauche.

On peut connaître certains moments d’émerveillement seul : lors d’une balade matinale un dimanche matin à travers le marché Boulevard Vincent Auriol, en découvrant un nouveau clip de PLN le vendredi soir… Mais la joie ?

je fixe mon ordinateur, le regard vide, mon reflet apparaît à l’écran. La matinée est déjà bien avancée. Excepté l’écriture de mes états d’âme et l’écoute léonine du nouvel album des Strokes, je n’ai pas fait grand-chose. À ma gauche Fanette somnole sur la terrasse, à ma droite la panthère des neiges de Tesson bronze au soleil. La brise gonfle notre hamac qui prend l’allure d’un spi et je me surprends à rêver de croisières en voilier dans le Golfe du Morbihan. Fin de l’album des Strokes, Spotify déclenche la lecture aléatoire : Belle & Sebastien - Another Sunny Day.



Vue de notre terrasse au lever du soleil - © Romain Mailliu


 

Another Sunny Day. April 12nd 2020

No alarm scheduled this Sunday morning. It's unusual, the first hours of the day are for me the most beautiful ones. I wouldn't miss them. When the city wakes up, little by little. Let the sleeping faces give themselves up to the first rays of sunshine. Only the birds are singing, and that's enough. The temperature is pleasant: 22 C° and a sea breeze comes to caress my skin which shivers with pleasure.

My eyes open naturally at 8:30 am. That's early enough to say that the day is still usable. I break two eggs in a frying pan. Jean-Marc, or rather John - the Asians can't manage to articulate and retain his administrative first name - nervously rubs the bread dough made at first light.

"This morning, I received a photo of a young woman from the Philippines. A spoon full of whitish water. This is the salt water in which she cooks the rice. This is all she has left to feed her baby. She is twenty-two years old and has three children. Her eldest is seven years old... With the confinement, she can't manage to leave her slum to come to our centre. The Manila team is on it, we'll find a solution. »

Misery doesn't take weekends. A waking like this, John must know it several times a year. Over the past 10 years, his NGO LP4Y has accompanied 2,662 young people to the decent professional world. Yet today the situation is exceptional. Youths and their families are the most affected by the consequences of this global health and economic crisis. And behind these figures there are faces, names, and messages that exude the weight of our responsibilities.


"To be an adult is to be alone," Jean Rostand used to say. On the contrary, I think that being an adult means being aware of the importance of others. The idea is not always attractive. It even terrified Jean-Paul Sartre with his famous sentence: "Hell is other people". He adds in his essay Being and Nothingness: If there is an Other, whoever he is, wherever he is, whatever his relationship with me ... I have an outside, I have a nature; my original fall is the existence of the other". Conclusion: We become aware of the sad existence that will be ours when we discover that we are not alone on earth. This is what adulthood is all about. We will have to learn to live together: what a hell! When we look at the inequalities that are the same everywhere in the world, we can guess that we have not all adopted the same rules of the game.

The assiduous student you were in your senior year - second row: the ideal place to follow the performance of your depressed philosophy teacher while while avoiding the spit propelled by the scent of his caffeine Marlboro breath - would add that the freedom of some ends where the freedom of others begins #Rousseau. Definitely, it's not easy to live together.

Yet, let's be honest, the best times we have are the times we share with each other. Don't tell me that you experienced a deep joy on a Wednesday night in front of a Talk-show with your Heineken in your right hand and your Lenovo laptop - PowerPoint opened on the last slide of your Comex the next day - in your left hand.

You can experience some moments of wonder on your own: during a morning stroll on a Sunday morning through the market on Boulevard Vincent Auriol, discovering a new PLN clip on Friday evening... But joy?

I stare at my computer, with empty eyes, my reflection appears on the screen. The morning is already well advanced. Apart from writing about my moods and listening to the Strokes' new album, I haven't done much. On my left Fanette is dozing on the terrace, on my right the snow panther of Tesson is tanning in the sun. The breeze swells our hammock which looks like a spinnaker and I find myself dreaming of sailing cruises in the Golfe du Morbihan. At the end of the Strokes' album, Spotify triggers random playback: Belle & Sebastien - Another Sunny Day.


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